Le 1er septembre 1979, au cours d'une conférence de presse, tenue en présence du ministre allemand des affaires étrangères, le président Anouar El Sadate annonce brutalement : « l'Egypte appuie à cent pour cent le Maroc et le roi Hassan... Lorsque le roi du Maroc demandera une assistance qu'elle qu'en soit la nature, je solliciterai l'approbation de l'Assemblée du peuple et du Parti National Démocrate ». Et dans le même temps il répondait « oui, oui, oui » a un journaliste qui lui demandait s'il irait jusqu'au bout dans son appui militaire au Maroc.
Le 23 septembre, l'hebdomadaire « Octobre » publie une interview dans laquelle Sadate annonce qu'il fournit des armes au Maroc pour l'aider dans le conflit du Sahara occidental.
Le 24 septembre, le Front Polisario présente a la presse internationale d'importantes quantités d'armes qu'il a saisies lors d'attaques contre les garnisons marocaines au Sud Maroc. Le ministre de la Défense de la R.A.S.D., M. Ghali, déclare qu'une partie de ces armes venaient d'être livrés par l'Egypte, principalement de grandes quantités de SAM 7 et des tubes de DCA. Selon le ministre sahraoui, des Mig auraient également été livrées au Maroc. La presse d'opposition égyptienne annonce par ailleurs, le 10 septembre, que des vedettes avaient déjà été livrées au Maroc. Lors de son entrevue avec la presse le 24 septembre, le ministre sahraoui a précise : « Nous n'avons pas jusqu'à présent capturé de techniciens égyptiens. » Même si elle n'a jamais été nulle, la coopération militaire entre le régime marocain et le régime égyptien prend donc, à l'initiative égyptienne, une vigoureuse et brutale impulsion. Qu'est-ce qui fait courir tant Sadate ? La révélation brutale faite par Sadate est intervenue au lendemain de la perte de Lebouirate par l'armée marocaine, défaite qui manifeste non seulement que cette dernière n'est plus capable de prendre l'initiative contre le F. Polisario mais encore qu'elle est minée, le moral extrêmement bas, et manifestant un fort mécontentement a propos de la situation dans laquelle elle est placée. Aussi l'opération Sadate apparaît-elle comme une véritable opération de sauvetage. Les raisons pour lesquelles Sadate vole au secours du roi Hassan II sont de plusieurs ordres. Du point de vue du régime égyptien d'abord, le roi du Maroc était un des seuls chefs d'état arabes, hors Oman et le Soudan, a ne pas avoir entièrement rompu avec l'Egypte a la suite de l’accord israélo-égyptien.
Anouar el-Sadate (Egypte), Jimmy Carter (USA) et Menachem Begin (Israël) lors de la signature des accords de Camp David en septembre 1978 |
La reconnaissance que va lui devoir le roi pour son aide représente pour Sadate un soutien d'autant plus précieux que ceux-ci lui manquent dans le monde arabe. D'un point de vue plus général l'Egypte n'a pas vu d'un bon oeil la chute du chah d'Iran qui a amoindri sa position et renforcé celle des pays dits du « Front de la Fermeté »; Sadate veut éviter qu'une telle mésaventure soit causée au roi du Maroc a l'autre extrémité du monde arabe. Les raisons de l'Egypte convergent avec celles des Etats-Unis, qui, eux non plus, ne souhaitent guère voir le régime marocain subir le sort du régime iranien. Une telle convergence avait déjà existe lors des troubles au Zaïre en 1977 et 1978, au cours desquels Sadate avait envoyé avions et techniciens a Mobutu - collaborant ainsi avec le corps expéditionnaire marocain - a un moment ou les Etats-Unis étaient embarrassés pour intervenir directement. Selon le quotidien algérien « el-Chaab », du 23 septembre « l'entrée en guerre de Sadate contre le peuple sahraoui n'a pas été un acte volontaire de sa part mais lui a été suggéré par Washington ». Ce qui parait certain, c'est quelles livraisons d'armes égyptiennes au Maroc ont coïncidés avec une augmentation de l'aide militaire américaine a l'Egypte et l'accélération de livraisons d'armes, notamment de 35 Phantom F4. Mais surtout cette dimension de la politique de Sadate semble s'articuler étroitement avec la stratégie inaugurée par l'accord israélo-égyptien. L'une des questions essentielles traitées lors de la visite de Sadate à Haïfa, au début du mois de septembre aurait été la question du Sahara occidental. Élément préoccupant supplémentaire : lors de la réunion interparlementaire mondiale du 11 au 22 septembre 1979, la déléguée israélienne fut quasiment la seule - avec l'Indonésie - a voter contre la reconnaissance du droit a l'autodétermination du peuple sahraoui. L'engagement du président égyptien aux cotés du souverain marocain constitue une menace certaine d'aggravation de la guerre en mettant a la disposition du Maroc de grandes quantités de matériel militaire et - sans doute a l'avenir - d'encadrement. Mais surtout il manifeste une volonté d'intervention importante des Etats-Unis, instigateurs et partie prenante des accords israélo-égyptiens, aux cotes du roi du Maroc. C'est pourquoi il apparaît comme un nouveau et grave sujet de préoccupation pour l'ensemble du monde arabe. Selon le bureau de l'OLP à Rabat, l'un des motifs qui a conduit Yasser Arafat a se rendre dans la capitale marocaine dans le cadre d'un voyage qui le conduisit également a Madrid et a Alger au milieu du mois de septembre, était « la tension qui prévaut dans le nord-ouest de l'Afrique ». De son côté, le ministre sahraoui de la défense lançait, le 24 septembre, un appel a tous les pays arabes pour qu'ils portent assistance aux Sahraouis.
L'Egypte ayant choisi de tourner ses armes contre un peuple opprimé au lieu de les diriger contre l'ennemi de la nation arabe, Israël, devenu aujourd'hui l'allié du Caire. »
Gregoire Carrat
sahara-info.org/pdf/sahara_info038-39.pdf
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